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Journal de l'orée du temps
14 juillet 2017

Vendredi 14 juillet

Je suis là.

Ainsi je peux tenter de décrire la maison, exercice périlleux pour moi qui sais peu voir, et le lieu est tout de même riche. Elle se situe dans un étrange petit dédale de ruelles ne contenant que des maisons en pierres (les seules ainsi au milieu de lotissements traditionnels) qui doivent avoir une origine particulière. Une fois le portail passé, on est complètement coupés du monde alors qu’il y a des voisins qu’on n’entend ni ne voit. La maison est une ancienne ferme retapée, donc très grande, avec un très grand jardin aussi.

L’étage du bas (euh...le rez de chaussée?) est une infinie cuisine-salon en deux parties qui couvre une surface impressionnante, sans mur. Très lumineux bien que sans les traditionnelles baies vitrées, c’est grand, aéré, très agréable. Je crois que c’est décoré avec goût, ni spartiate comme dans le lot, ni débordant et écrasant comme dans le tarn, c’est discret mais j’imagine soigné, très. A l’étage qui lui aussi couvre une surface immense, et qui surplombe tout en laissant voir en-dessous (comme une demie-mezzanine, je sais pas trop comment expliquer), il y a un grand bureau ouvert avec la bibliothèque, deux chambres spacieuses des enfants, deux salles de bains, et ma chambre avec un dressing et ma salle de bain privative. Il y a aussi un salon TV, et une dernière pièce avec une guitare électrique et des amplis, que je peux utiliser...mais non hein !

La plupart des murs sont en pierres apparentes, honnêtement je n’y serai pas seul je pense qu’il serait correct de dire que c’est une des plus jolies de Nomador qu’il ait été donné d’habiter. Mais là, la question se pose autrement.

La bibliothèque est presque au livre près l’exemple de la prof de français qui n’a pas acheté un livre depuis la fin de ses études : je dis ça sans être hautain, juste j’aurais presque pu prévoir ce qu’elle contenait. Je comptais y piocher un ou deux livres, c’est raté.

Pour les disques c’est pareil, il y en a un peu, mais il faut aimer ou avoir envie de découvrir les rolling stones si on veut vraiment écouter un disque, donc non...deux yann tiersen dont L’absente (…), un Bashung, et du classique mais peu compensent le fait que je n’ai pas ma musique...

Le jardin est très beau, très étendu, pas débordant comme dans le lot, mais joliment agrémenté. Le potager contient concombre, tomates, courgettes, salades, fraises. Arrosage automatique. Je n’ai pas encore trop regardé par là-bas, il a assez plu jusque-là. La piscine a eu un problème juste avant mon arrivée, l’eau est devenue verte et il y aurait des algues dedans suite aux intempéries, ça ne leur est jamais arrivé, ils m’ont expliqué ce que je devais faire je n’ai strictement rien compris, donc pour une fois qu’il y en a une, visiblement on peut pas s’y baigner…

 

Avant de partir je m’étais dit que je m’achèterai un cahier et écrirai un journal de ces jours a priori étranges. Alors peut-être je le fais ici, te donnant la possibilité de lire, parce que, et je n’y peux rien, si je peux vivre sans toi – même si ce n’est plus vraiment vivre -, il m’est impossible de ne pas te parler, quitte à ce que tu n’écoutes pas, ou n’entendes pas. Tu m’es encore trop substantielle pour le silence. Ca va, il y a pire, je crois, dans une vie, que de continuer à parler à quelqu’un qui n’est plus là, plus au quotidien. Et puis ça finira peut-être aussi par me faire taire, je ne sais. Considère ces mots comme mon facebook de vacances, ni un facebook, ni des vacances, et pourtant tu peux le lire si parfois tu veux.

 

J’ai aussi un très grand besoin d’utiliser des mots, c’est devenu tellement dur pour moi de parler ou d’avoir des idées depuis quelques semaines que c’est absolument effrayant. Que ce soit au collège les derniers temps, avec les gens peu à peu, je me suis vu en exctinction, et alors que je dois garder la tête hors de l’eau il ne faut surtout pas que je perde les mots, pas tous. Alors m’écrire – car c’est avant tout pour moi que j’écris, mais tu n’avais qu’à pas me dire que je pourrais refaire un blog (j’aime, en sachant que c’est bien sur faux, imaginer que c’est parce que toi aussi quelque part tu avais un tout petit peu envie de mes mots), maintenant voilà un moyen terme entre mes « projets » et ta proposition – m’écrire donc, juste poser des mots sur mon quotidien qui n’a rien de particulier sinon une réelle désorientation, je me dis que je peux tenter.

 

Il fallait vraiment que je quitte Bordeaux. Et en même temps c’est un arrachement supplémentaire douloureux, et parfois les douleurs j’en ai vraiment une lassitude fatiguée – je sais que toi aussi, autant sinon plus. Quitter Bordeaux parce que rien de spécial ne m’y arrive (c’était avant que tu me parles de ce « terne » qui me fait tant réfléchir depuis), quitter Bordeaux parce que on en a vite fait le tour, quitter Bordeaux comme une fuite. Mais aussi quitter Bordeaux comme dans certains romans de Murakami : une acceptation tendre et profonde qu’il faut juste se déplacer ailleurs, sans espoir ni désespoir, pour voir et être, puis revenir. Un déplacement, pas un voyage, un décentrement, je ne trouve pas le mot juste. Bien sur une fois arrivé je me sens aussi perdu sinon plus qu’à Bordeaux, mais la sensation physique qu’ici je ne suis personne – d’identifiable – est très exotique, même si à Bordeaux je ne suis pas vraiment quelqu’un de très identifiable !

 

C’est Virginie, la fille de Lyon, qui m’a dit très vite que je lui faisais penser à des personnages de Murakami, c’est très flatteur mais je vois vraiment pas ce qui en moi lui a fait penser cela ; pourtant, comme en plus j’ai relu encore certains de ses livres depuis notre éloignement, j’avoue que leur aisance à transformer les souffrances en actes concrets quotidien solitaire me fascine assez. Alors voilà : à côté d’Angoulème, je me cherche, c’est moins exotique que le Japon, j’écris un blog comme si je faisais un voyage, tout est un peu décalé mais cela me fait sourire.

 

Pour l’instant je n’ai rien fait hors de la maison : il m’est si étrange de m’y trouver que le monde extérieur attendra un peu. Je compte lancer des promenades à partir de demain. Soit des villages, soit des chemins balisés. Je n’ai aucune idée de ce que je pourrai y trouver.

A l’intérieur le silence est la plupart du temps total, très présent, très impressionnant. Très imposant. Il apporte soit une gravité dont je n’ai pas besoin car elle m’est devenue comme empreinte – je ne sais plus trop rire, encore moins être drôle – j’étais moyen-drôle je sais, mais là, l’idée de parler à quelqu’un me fait très peur car je me sens pas du tout apte à faire rire - soit un recuillement doux et apaisant, qui ne dure pas longtemps. C’est en fait très intimidant, tant de silence dans une si grande maison.

 

Aujourd’hui à 4h30 du matin j’étais parfaitement réveillé. Cela m’arrive très souvent, ces moments nocturnes, ils sont difficiles ou fructueux, c’est très aléatoire. De même, cela m’est très nouveau, il m’arrive de rêver et de fort bien m’en souvenir. Je rêve de gens très précis de ma vie. Dont je n’avais absolument jamais rêvé. Je crois que j’ai tellement peur de la solitude que des gens viennent dans mes rêves pour me rassurer. Je n’ai jamais rêvé de toi, mais cela ne me surprend pas, tu existes tellement dans ma réalité que les rêves sont des coulisses où chez moi tu n’as aucune place, tu occupes la scène, dans les ombres et les lumières.

J’ai alors, à 4h30, beaucoup repensé à notre conversation téléphonique, et à quel point nos paroles, tout le temps, m’aident, ou au moins m’offrent tant de hiéroglyphes de sens à déchiffrer que cela réveille mon cerveau. Je ne connais que toi pour cela : les discussions avec n’importe qui d’autre sont du présent, elles flottent peu ensuite dans ma tête. Toi, tes mots sont des vagues, du ressac, incessant. Cela bouge, vibre, frémit, dit, cache, invente, éclaire, obscurcit, tourbillonne. C’est un monde une discussion avec toi. Et pourtant dans tes mots et certaines situations, il y a tout ce que je ne voudrais pas qu’on vive – tu le sais – mais cela ne change rien à la puissance de tes mots, et à la puissance de ma réception de tes mots. Et puis j’aime bien interpréter en tous sens certaines phrases. Ainsi quand tu m’as dit à propos de cette maison - « mais pourquoi es-tu allé là-bas ??!! - j’ai entendu ton sourire (Matthieu fait toujours n’importe quoi), ton inquiétude (tout seul là-bas, lui…), une pointe d’admiration interloquée (mais c’est quoi le but de cette absurdité qu’il a tout de même fait ?!), et bien sur une forme de déception (pourquoi es-tu là-bas et donc pas ici…?).

Donc à 4h30 je pense à tes mots et c’est bien. Est-ce dû à l’heure, au moment, alors des rouages paraissent bouger, certes ça grince et coince, mais ça bouge. J’aime ces instants où tes mots, confrontés à ma façon de voir ou vivre, se promènent souriants et éclairants dans mes chemins. C’est comme une rencontre, ou comme faire l’amour. Etre un peu plus que soi-même.

 

Je suis ensuite descendu me faire du café, que j’ai bu sur la terrasse de devant, avec une cigarette, puis j’ai jeté le tabac qui me restait parce que je fume vraiment trop et je sais que je fais cela par plaisir et pour mourir, et si j’ai du mal à vivre, terriblement, j’ai quelques ressources pour avoir peur de mourir par les cigarettes, sauf s’il est trop tard. Le jour se levait, il n’y avait pas un bruit dehors, quelques oiseaux mais à peine, c’était assez majestueux, le ciel était grisonnant comme j’aime (tu vas voir bientôt pourquoi), des nuages bougeant cachaient ou dévoilaient la lune très lumineuse dans l’ensemble de ce crépuscule du matin, je n’éprouvais aucune fascination pour le spectacle de la Nature, mais une vraie émotion devant la beauté du moment, et de me savoir là.

Sans que cela soit perceptible le jour s’est complètement levé, et je restais là à observer ces dégradés de gris que j’aime tant, qui me font fuir le bleu du ciel, et que depuis toi j’aime bien plus profondément.

Je t’assure, désormais quand je regarde le ciel et ses gris, cela me fait irrémédiablement penser à quand je descendais glisser ma tête entre tes jambes lorsque l’amour nous faisions. C’est à cause je crois des variations des gris dans le ciel : cela m’évoque les variations si douces et puissantes de tes souffles lorsque là, exactement, j’étais, avec toi. S’il n’y avait nulle volonté donc heureusement nulle technique, il y avait ce suivi intrigué et fasciné de tout ce que tu pouvais éprouver, et de tout ce que cela me permettait d’éprouver. Tu m’avais dit que j’étais le premier à te permettre, ainsi, de « partir ». Je ne suis même pas certain de t’avoir dit – tant pour moi c’était évident que chaque seconde physique avec toi m’était une première, un baptême – que pour moi aussi c’était la première fois que cela m’était permis, de pemettre ces « partirs ». C’est donc par le ciel gris que je me rappelle cela, cette correspondance dirait Baudelaire m’est étrange, d’autant plus que des impressions physiques du passé, je n’en ai qu’avec toi, les autres me sont oubliées. Peut-être aussi le peu de luminosité qui nous accompagnait permet ce lien avec les douceurs des gris. Et les ciels gris paraissent bien plus sans fin que le bleu éclatant, tout comme ces instants étaient coupés de l’idée de temps, rythmés uniquement par tes ondulations et ton souffle…

 

J’aurais aussi effectué aujhourd’hui ma première promenade, les « vraies » débutent demain, il y a ici 6 circuits de randonnée tranquille que je compte faire. Cet après-midi, je suis juste allé à pied au centre de la petite ville (la maison est légèrement en dehors), j’y avais vu une rivière et ce qui m’avait semblé être un joli parc. Le 14 juillet tout était désert : ces non-endroits apparents (et souvent réels) qu’on avait découvert par nos périples nomador. Las ! Le parc n’en était pas un mais juste la petite surface herbue que j’avais ditinguée en voiture : une heure de marche pour finalement rien, cela m’a fait sourire. Etonnamment, un café PMU était ouvert : j’y ai pris un Perrier, il n’y avait que moi...là aussi, l’endroit était aussi désuet, voire effrayant, que touchant. J’ai vu passer trois personnes qui n’auraient pas dépareillé dans Twin Peaks. Je me sentais vraiment ailleurs et n’importe où, mais seul aussi. Je me disais que le tourisme traditionnel je ne pourrai plus, je crois, ni seul, ni avec quelqu’un. Mais avec toi si car les contours du monde changent avec toi. Je me disais aussi que nomador je ne pourrai surement pas avec quelqu’un d’autre, ou plutôt que quelqu’un ne pourrait pas avec moi !! C’est très étrange tous ces possibles qui devienntn interrogations, certes stériles puisque menées seul, mais quand même…

 

A mon retour, j’ai ceuilli quelques belles tomates dans le potager pour ce soir, goûté quelques fraises absolument délicieuses, et des mirabelles dans l’arbre. J’étais là, apaisé, dans ce grand jardin, à la recherche de ma vie, et méditant vraiment sur les combats quotidiens qui sont les notres,, qui diffèrent par nos échelles mais se rejoignent, je l’espère en tout cas, par leur apreté consécutive à notre traversée du temps.

 

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